Prévention

Cancer de l’enfant

La maladie et la souffrance des enfants sont ce qu’il y a de plus difficile et éprouvant.

Ce qu’exprime un enfant est dans le regard et l’attitude, pas dans le discours ni les mots, si on veut comprendre ce qu’il ressent et se donner les moyens de l’aborder.

Les cancers chez les enfants représentent 5% de la totalité des cancers pour la France. Sont considérés comme « enfants », les sujets âgés de moins de 15 ans. Un cancer chez un enfant est toujours un drame familial et humain, nécessitant une prise en charge spécifique.

En France, il y a environ 1500 nouveaux cas chaque année dont la moitié survient avant 6 ans. Le plus souvent il s’agit de leucémies aiguës (450 nouveaux cas par an) ou de lymphomes (tumeurs des ganglions), y compris la maladie de Hodgkin. Mais il peut s’agir d’autres types de cancers que les cancérologues qualifient de tumeurs « solides ». Avec 300 nouveaux cas par an, les tumeurs cérébrales sont au second rang par leur fréquence, après les leucémies. Certaines autres tumeurs sont qualifiées d’embryonnaires car elles correspondent à des désordres cellulaires survenus lors de la formation de l’embryon.

Les cancers de l’enfant ont une fréquence croissante de 1% chaque année depuis ces 30 dernières années, en Europe comme aux États-Unis. Ce chiffre n’est pas confirmé pour la France car les registres mis en place pour recenser le nombre de cas chez les enfants sont trop récents pour avoir le recul nécessaire. L’environnement est très probablement en cause pour expliquer cette croissance de l’incidence des cancers chez les enfants.

Les tumeurs solides de l’enfant sont dénommées selon le tissu d’origine à partir duquel elles ont pris origine : neuroblastome (système nerveux), néphroblastome (rein), rétinoblastome (rétine), hépatoblastome (foie), sarcome d’Ewing, rabdomyosarcome (muscles), mélanoblastome (mélanocyte), glioblastome (microglie du système nerveux). Certaines tumeurs telles les tumeurs cérébrales sont encore de pronostic redoutable, mais il faut souligner les très grands progrès réalisés depuis ces dernières années dans le domaine de la chimiothérapie anticancéreuse cytotoxique. On peut en effet aujourd’hui parler de guérison pour un certain nombre de ces cancers, surtout lorsqu’ils sont découverts précocement et traités correctement. Tel est le cas des leucémies aiguës lymphoblastiques de l’enfant (qui guérissent dans 80% des cas), et d’un nombre important de lymphomes ou de neuroblastomes.

Le diagnostic de leucémie aiguë est le plus souvent établi au vu du résultat d’une numération-formule sanguine effectuée à l’occasion d’une angine fébrile qui traîne, d’une fatigue inhabituelle, d’une anémie, des « bleus » à répétition.

Le diagnostic des autres cancers est le plus souvent fait à partir de la découverte d’une tumeur à l’examen clinique, que celle-ci corresponde à une augmentation de volume d’un ganglion (lymphome), d’un trouble de la vision (rétinoblastome), de maux de tête ou d’un syndrome neurologique (neuroblastome, tumeurs du cerveau), d’une augmentation de volume d’un organe (gros rein, gros foie, grosse rate etc.), ou qu’elle soit secondaire à l’apparition.

Au moment du diagnostic, le médecin de famille est le plus souvent en première ligne. Celui-ci, dans la mesure du possible, doit rassurer les parents.

Il faut confier l’enfant le plus rapidement possible à un service spécialisé :

  • service d’hématologie ou de pédiatrie hématologique, s’il s’agit d’une leucémie ;
  • service de cancérologie pédiatrique, s’il s’agit d’une tumeur solide.

Les parents ne doivent pas hésiter à hospitaliser l’enfant dans un centre hospitalier universitaire ou un centre anticancéreux.

Pour les tumeurs solides, le nombre de centres spécialisés est, dans notre pays, relativement limité, car les cancers de l’enfant sont relativement rares. Il faut savoir que notre pays est dans ce domaine l’un des meilleurs du monde. Les services d’hématologie pédiatrique sont pour la plupart d’excellent niveau, constitués d’équipes soignantes très compétentes. Ces centres n’existent qu’à Paris et dans certaines grandes villes de province. Ils sont en général connus des médecins traitants.

C’est donc d’abord et avant tout au médecin de famille qu’il faut s’adresser.

En cas de leucémies ou de lymphomes, le traitement consiste essentiellement en une combinaison de chimiothérapie et de radiothérapie.

En cas de cancers solides, le traitement consiste le plus souvent, en une combinaison de chirurgie (pour faire le diagnostic anatomopathologique), de chimiothérapie et de radiothérapie.

Dans tous les cas, la qualité de la chimiothérapie est ici primordiale. Des protocoles internationaux existent, que seules les grandes équipes connaissent bien.

C’est donc à un centre connu et reconnu qu’il convient de confier l’enfant, le plus rapidement possible. C’est de la qualité du programme thérapeutique initialement mis en œuvre que dépendent les chances de guérison. Les progrès actuels concernent non seulement l’efficacité des programmes thérapeutiques mis en œuvre, mais aussi la qualité de la prise en charge. Cette dernière concerne non seulement les enfants, mais leur famille, et plus particulièrement les parents.

De façon générale, les enfants supportent bien leur traitement, y compris au plan psychologique, grâce à la présence de leurs parents, à l’existence de psychologues au sein des équipes soignantes, à la compétence et au dévouement de ces équipes. L’essentiel est de rassurer les parents qui doivent vaincre leur angoisse. Car l’angoisse est communicative. Elle est ressentie par l’enfant à qui il convient de parler doucement en lui expliquant sommairement les gestes thérapeutiques qu’on lui fait. Chez l’enfant, c’est surtout l’angoisse qu’il faut éviter car il craint plus l’idée du geste que le geste lui même.

Il n’est pas nécessaire de donner les détails de la maladie à un enfant mais seulement d’expliquer ce qu’on lui fait par des termes simples. L’enfant comprend très vite qu’il est malade, mais ne lit la gravité de la maladie que dans le regard de ses parents. Chez l’enfant, le terme de maladie est le plus souvent suffisant. Un enfant doit toujours être rassuré et être mis en confiance. C’est le rôle de l’équipe soignante et des parents.

Dans la très grande majorité de ces centres, existent des salles de jeu et des possibilités de scolarisation. Dans ces centres, l’objectif est de rendre la vie la plus « normale » possible. En outre, des lieux d’hébergement pour les parents ont été annexés aux centres de soins, grâce à l’action de certaines associations d’aide aux enfants malades . Lorsque la guérison est obtenue, des séquelles psycho-intellectuelles peuvent survenir ultérieurement. Mais les protocoles actuels cherchent à les éviter, en modulant l’intensité des traitements pour minimiser la survenue de tels retentissements. De plus en plus souvent, les enfants qui guérissent ont une scolarisation et une vie normale, à distance de leur maladie.

L’extrême vulnérabilité de l’enfant face à l’environnement est un des facteurs explicatifs de la croissance des cancers pédiatriques

La raison de l’extrême vulnérabilité des enfants face à l’environnement est leur susceptibilité accrue aux cancers. Un cancer est provoqué par des mutations. Chez l’enfant, un nombre limité de mutations suffit car leurs cellules se divisent fréquemment. Par ailleurs, l’enfant présente une fragilité constitutive face à l’environnement.

Dans nombre de cas, les cancers et leucémies de l’enfant apparaissent être liés au benzène, à certains autres Composés Organiques Volatils (COV) ou encore à d’autres produits, tels que certains pesticides à usage domestique (biocides), comme le montrent plusieurs études épidémiologiques récentes. Dans d’autres cas, ils pourraient être liés à des virus.

Les recherches de l’ARTAC concernent prioritairement les cancers de l’enfant.

La contamination de tout enfant se fait à trois périodes :

1. lors de la grossesse où la mère peut le contaminer, lorsqu’elle a accumulé dans son tissu graisseux de nombreuses substances chimiques cancérigènes. Ces substances présentes dans la circulation sanguine, passent la barrière placentaire et contaminent le fœtus.

2. lors de l’allaitement, car ces substances passent dans le lait maternel. Bien que l’allaitement doive toujours être conseillé en raison des bénéfices qu’il procure à l’enfant comme à la mère, on ne peut nier la possibilité d’une telle contamination.

3. enfin, après la naissance, l’enfant inhale une quantité d’air et ingère une quantité d’eau très supérieure à celles de l’adulte, lorsqu’on les rapporte au poids corporel. Ainsi, quand l’air ou l’eau sont pollués, l’enfant se contamine beaucoup plus. A la naissance les enfants sont donc aujourd’hui pollués par de nombreuses substances chimiques : COV (composés organiques volatils, pesticides, PCB (polychlorobiphényl), dioxines etc. C’est ce que révèlent plusieurs études récentes. Après la naissance il se contamine encore en particulier dans son lieu d’habitation. Or cette pollution peut avoir des conséquences extrêmement graves sur son état de santé.

L’enfant est en effet particulièrement fragile à tous les stades de son développement avant et après la naissance.

A la naissance, son système nerveux n’est pas mature, car il est incomplètement développé. Il se développe ultérieurement sous la pression de l’environnement neurosensoriel. C’est ce qu’on appelle  » l’épigenèse neuronale* « , développement du système nerveux au cours de la croissance de l’organisme. Il en est de même de son système immunitaire. A la naissance, celui-ci n’est informé que de manière incomplète. Ici, l’information provient aussi de l’environnement, mais dans son aspect moléculaire, antigénique. Chez tous les nourrissons, existe un déficit immunitaire physiologique fonctionnel, tant que la totalité de cette information n’a pas eu lieu. Ce qui revient à dire que n’ayant pas encore la possibilité de synthétiser des anticorps spécifiques à l’encontre de tous les antigènes environnementaux, un enfant, à la naissance, est très vulnérable aux infections, qu’elles soient microbiennes ou virales. D’où l’intérêt de l’allaitement, le lait maternel apportant les anticorps capables de le protéger. Or, à ce stade, toute pollution peut avoir un retentissement grave sur la santé.

Ainsi, l’accroissement des cancers actuellement observés chez les enfants pourrait être lié à une aggravation de son déficit immunitaire physiologique par certains polluants chimiques immunodépresseurs. Ceci pourrait favoriser l’action de virus cancérigènes, en particulier leucémogènes (provoquant des leucémies).

Actuellement, chez l’enfant, on dénombre 43,1 cas sur un million de leucémies par an en France. Si on peut expliquer certains cas par l’exposition à des radiations ionisantes et par des syndromes génétiques, de nombreuses études réalisées sur le sujet entre 1989 et 2000 ainsi que deux revues (1997 et 1998) épidémiologiques suggèrent l’existence d’un lien entre l’exposition des enfants et des mères pendant la grossesse aux biocides (pesticides utilisés dans les habitations) et le développement de leucémie chez l’enfant.

Une étude réalisée par l’INSERM entre 1995 et 1999 et publiée en 2006 revient sur ce lien. Household exposure to pesticides and risk of childhood acute leukaemia
F. Menegaux et al. 2006, Occup. Environ. Med.
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L’exposition à certains biocides en cours de grossesse et durant la petite enfance peut doubler le risque de leucémie aiguë. Les pesticides et les insecticides associés à un risque élevé ont été trouvés dans les sprays insecticides utilisés à la maison, les produits de jardinage (engrais, herbicides, insecticides et fongicides), et dans les shampooings anti-poux.

Les chercheurs ont découvert cette association après une analyse de données réalisée auprès de 240 patients atteints de leucémie lymphoblastique aiguë et de 40 patients présentant une leucémie non-lymphoblastique. Pour cette étude a été utilisée une cohorte de 288 témoins auxquels aucun cancer n’avait été diagnostiqué.
Les mères dans les deux groupes (leucémie ou non) ont été invitées à répondre à un questionnaire portant sur l’exposition aux insecticides pendant la grossesse et les premiers pas de leurs enfants. Leur statut socio-économique, éducation, antécédents familiaux, et les caractéristiques pré et postnatales de leur enfant ont également été examinés.

L’association est demeurée significative, même après avoir considéré d’autres facteurs tels que le statut socio-économique qui est souvent mis en avant par d’autres études. Selon les résultats de cette étude, les enfants ayant utilisé à plusieurs reprises un shampooing anti-poux à base d’organophosphorés ou d’organochlorés ou de pyréthrinoïdes auraient presque deux fois plus de risque de développer une leucémie aiguë.

L’exposition aux insecticides dans le jardin pendant l’enfance a été également liée à un risque presque doublé de leucémie aiguë. Considérant l’exposition aux insecticides de jardin dans l’enfance et pendant la grossesse, le risque est 20 pour cent plus élevé chez les enfants considérés que chez les témoins.
L’exposition aux insecticides en spray d’intérieur pendant la grossesse et la jeune enfance a été associée à un risque doublé de leucémie aiguë.

> Voir le rapport de l’International Union Against Cancer sur les cancers de l’enfant